Les lettres grecques et similaires

Pourquoi le français est-il la seule langue romane dans laquelle on a conservé autant de sons /f/ écrits ph, des /t/ écrits th, des /i/ écrits y, des /k/ écrits ch, etc. ?

A-t-on besoin d’écrire de manière aussi compliquée asthme, rhinite, asphyxie, rythme (mais algorithme) et même orthographe ?

La règle

Les groupes de lettres d’origine grecque ou similaire sont remplacés, de la façon suivante :

  • Les ph deviennent f (et mph deviennent nf)
  • Les ch prononcés k deviennent c si possible, sinon qu
  • Les h non nécessaires à la prononciation sont retirés (qu’ils soient seuls ou dans un th, rh, etc)
  • Les y prononcés i ou in (avec un n ou m) deviennent i, sauf en début et fin de mot
  • Les œ deviennent e, é ou eu suivant la prononciation
  • Les æ deviennent e ou é

L’étude

La démarche qui a mené à cette règle, son analyse et son énoncé précis sont décrits dans le dictionnaire de l’orthographe rationalisée du français (version papier), qui lui-même rassemble les études Érofa individuelles, dont Les lettres grecques et similaires (version papier).

Pourquoi cette règle

La difficulté résolue est claire : il n’est pas évident d’écrire de nombreux mots comme labyrinthe ou rythme ou cœlacanthe ou nymphe à cause des h, y ou œ qu’ils contiennent. Avec ce changement, toutes ces difficultés disparaissent : labirinte ou ritme ou célacante ou ninfe sont des orthographes nettement plus évidentes à écrire (même s’il reste des choix à faire, in ou ain ou en, s ou c, an ou en, pluriel ou singulier).

Les changements d’orthographe visent généralement à aider à écrire plutôt qu’à lire, vu que l’écriture est nettement plus difficile que la lecture. C’est le cas de la règle du x final par exemple. Mais ici, la règle réduit également les hésitations ou erreurs à la lecture, même parmi les adultes : dans des hiérophantes, faut-il faire la liaison ? Dans orichalque, le ch se prononce-t-il sh ou k ? Comment prononcer le œ de œsophage ? Autant de questions qui disparaissent avec iérofantes, oricalque, ésofage.

On peut penser « mais on peut actuellement reconnaitre les mots d’origine grecque avec ces lettres, et on ne pourra plus ».

En fait, pas vraiment.

Déjà, il y a des mots en français de construction grecque qu’on écrit très bien sans ces h, y, œ sans que ça ne gêne personne : fantôme au lieu de phantôme, économie au lieu d’œconomie, colère au lieu de cholère, mécanique au lieu de méchanique. Certaines orthographes sont actuellement en concurrence, comme fétus/fœtus.

Même les mots qui ont des lettres grecques ne les utilisent pas systématiquement : rythme n’est pas fidèle à l’étymologie, il faudrait écrire rhythme (ce qui n’est pas un cas isolé), donc apprendre le français donne une idée faussée des racines grecques.

De plus, des mots de construction grecque ne contiennent pas de lettres qui indiquent cette origine : protagoniste, chimie, glucose.

Enfin, les lettres grecques et similaires ne sont pas forcément issues du fond des temps, mais peuvent très bien avoir été introduites récemment, comme archétipe archétype et diphtongue diphthongue au 18e. À l’inverse, d’autres furent supprimées récemment : autheur auteur et throne trône au 18e, et diphthongue diphtongue au 19e.

Le résultat des courses est simple. Si on veut reconnaitre les mots grecs, mieux vaut faire comme les locuteurs d’autres langues européennes : soit étudier le grec antique, soit étudier la construction des mots : filo amour, sofi sagesse, fito plante, proto premier, iéro sacré, etc. Ce qui est nettement plus instructif que de seulement supposer qu’un mot est d’origine grecque au vu de son orthographe.

Une dernière remarque : si le choix de transformer ch en c comme dans mécanique est clair, le choix de transformer ch en qu comme dans arquéologie parait moins évident. En fait, c’est la façon usuelle de faire en français quand c n’est pas possible : expliquer (latin explicare) mais explication, truquer créé à partir de truc, public au masculin mais publique au féminin, banque (de l’italien banca) mais bancaire, clic mais cliquer, et ainsi de suite.